Hi,
J’espère que vous allez bien ? Ça faisait longtemps que j’avais envie d’écrire cet article car le sujet est finalement assez complexe, même s’il a plus de forme que de fond. Pourtant « le langage » a son importance et son impact. Il y a des combats plus importants certes, des femmes qui ne s’offusquent ni du « mademoiselle » ni du « fille » lorsqu’elles sont interpellées. Personnellement, je n’y prêtais pas vraiment d’attention, surtout quand j’avais 18-20 ans. J’avais du mal à me percevoir comme « femme », plus d’un point de vue de maturité que de physique.
Puis j’ai débuté le sport et j’ai commencé à n’entendre plus que ce terme dès qu’on voulait m’encourager, commenter mes performances, m’interpeler:
- Allez les filles !!!
- C’est bien pour une fille
- Oh il y a aussi « des filles » dans la course
- Oh regarde une « fille » (dans un SAS)
Ce n’est qu’un mot pour certaines, mais pour moi c’est une étiquette qui est beaucoup trop lourde de sous-entendus et de biais. Commençons par le plus simple, la définition de « fille » dans le dictionnaire Larousse:
- Personne jeune ou enfant du sexe féminin, par opposition à garçon : Mettre au monde une fille.
Avec un complément de nom précisant la fonction, désigne une employée subalterne : Fille de cuisine.
Littéraire. Chose (du genre féminin) qui résulte d’une autre : La paresse est la fille de l’oisiveté.
Nom des membres d’un grand nombre de communautés religieuses de femmes.
Péjoratif. Prostituée. (On dit aussi fille de joie ou fille publique.)
Et d’un autre côté femme:
- Être humain du sexe féminin.
Adulte de sexe féminin, par opposition à fille, jeune fille : La voilà une femme maintenant.
Épouse : Il nous a présenté sa femme.
Adulte de sexe féminin, considéré par rapport à ses qualités, à ses défauts, à son activité, à son origine, etc. : Femme du monde. Femme de lettres.
Peut être suivi ou précédé d’un nom de profession ou de fonction de genre masculin : Une femme ingénieur. Un professeur femme.
Même en tant qu’humaine, nous nous ne considérons en pratique pas en tant que femme, ni encore comme une fille, l’emploi du terme fille pour qualifier des femmes a une double intention que l’émetteur n’a peut-être même pas conscience d’exercer:
- Déresponsabilisation
- Minoration
- Infantilisation
- Paternalisme
- Condescendance
En utilisant un terme qui sous-entend tout ce que je viens de vous citer, nous perpétuons cette culture patriarcale qui voudrait que ce soit normal que l’homme soit toujours considéré supérieur à la femme. L’usage de fille est juste le résultat de ces normes intériorisées.
L’émetteur a son importance:
Un homme, une institution, un discours officiel, un.e journaliste se doit d’utiliser le terme « femme » quand il se réfère à une personne de genre féminin âgée de plus de 18 ans. Tout comme, vous ne lirez JAMAIS, le terme « garçon » pour parler d’un homme, il faut nous forcer à faire évoluer nos usages du langage. L’infantilisation, le placement dans une minorité sans fin, la condescendance qui se cache dans cette utilisation doivent cesser.
Maintenant, dès qu’un homme m’appelle « fille » ou girl (car oui on l’emploie aussi en français), ça m’irrite profondément. Fille c’est: l’enfance, la vulnérabilité… c’est les jouets roses bonbon, l’anniversaire de 7 ans. Ce n’est pas les règles, les factures, la réalité d’une femme.
Le paradoxe est que parfois nous sommes des filles côté performance sportive, action sociale ou politique, mais quand « ils »nous croisent dans la rues, nous sommes des salopes, des femmes, des objets sexuels dans la majorité. Pas de soucis. (j’ironise à peine)
À l’inverse, puisque nous vivons dans une société patriarcale, lorsqu’une femme m’appelle « fille », cela me dérange moins puisque nous sommes « du même côté » de l’oppression. Soit je la reprends, soit je ne me formalise pas puisque dans son utilisation à elle, comment pourrait-elle m’infantiliser, ou me minorer alors que nous sommes toutes les deux face aux mêmes inégalités ? Oui, nous pouvons entre femmes s’appeler « fille », mais refuser ce droit à des hommes. Je balaie donc d’avance les arguments du genre « oui mais le slogan GIRL POWER, oui mais la serie GIRL, oui mais niainia ». Cela dit, je me corrige encore actuellement pour utiliser le terme femme qui pour moi est plein de pouvoir, de confiance et d’indépendance. J’ai envie que la femme qui reçoit mon discours perçoive la même image que j’ai d’elle: ce n’est pas une fille fragile, c’est une femme forte et puissante. J’encourage en hurlant ALLEZ LES FEMMES même si ça sonne bizarre au début 😉
En arrêtant d’utiliser ces termes dont « fille » pour qualifier les femmes et en usant des termes d’empouvoirement, fort, qui englobent leur vraie réalité, nous (homme comme femme) changerons aussi la vision sur nous-mêmes et ferons évoluer cette société actuelle.
Certains hommes ne comprennent pas qu’entre femmes nous puissions utiliser certains termes qui leur sont interdits, pourtant c’est ainsi. A ce titre, je vous conseille le reportage « l’histoire des gros mots » sur Netflix et l’épisode « Bitch » pour constater par vous-mêmes à quel point l’usage et l’interprétation d’un mot peut différer en fonction de l’émetteur. C’est le propre du langage d’évoluer, d’être sujet à interprétation aussi.
C’est un « non » problème !
C’est faux, alors que nous vivons encore dans un monde marqué profondément par l’inégalité homme-femme, je prêche pour ma paroisse, l’invisibilisation des athlètes-femmes, le dénigrement de leurs résultats, de leurs compétitions, l’utilisation du terme « fille » a volontairement un impact qui perpétue ce biais et cette oppression. Ce biais comme quoi les femmes sont des petites choses fragiles, inférieures, qui ne grandissent jamais, qui sont toujours mineurs, sous la responsabilité d’hommes forts ET que de fait, leurs performances sportives sont digne d’enfants.
Vous entendrez bien plus souvent un commentateur sportif parlé de « filles » que de garçons au sujet d’athlètes. En réalité, non vous n’entendrez jamais ça car si c’était le cas, l’objectif serait clairement de rabaisser et d’émasculer l’homme appelé « le garçon ». C’est choquant en 2021 alors que de nombreuses fédérations et plusieurs directives ont été données pour arrêter cet usage et redonner la majorité aux femmes qui s’entrainent autant que des hommes.
J’anticipe, bien sûr que des hommes s’appellent des « gars » entre eux, mais « gars/mec » ne sont pas les équivalents de fille.
Voici quelques articles à ce sujet pour développer votre point de vue :
- Stop calling women « girls » >
- Women not Girls – Olympics Commentators >
- Girl VS Women : Language Matters
L’usage péjoratif de « fille » dans le monde du sport
Quelque soit la langue, « fille » est clairement un terme péjoratif qui est associé à la faiblesse, l’incapacité à réaliser de « vraies » performances. Oui des performances de GRRRRR un homme un vrai, le sportif, le vrai de vrai:
- Tu cours comme une fille
- tu lances comme une fille
- Ne fais pas ta chochotte
- Tu pleures comme une fille
- C’est bien… pour une fille !
Et j’en passe, en anglais, en espagnol. Être une fille dans le monde du sport, c’est être une anomalie, un être fragile, inférieur qui ne performe pas ou dont les performances n’ont pas la même valeur. Et si cet être OSE quand même faire du sport, il faudra lui rappeler que TOUT ce qu’il fait, n’arrivera JAMAIS à la cheville de ce que peut faire un homme. Je me répète, il ne s’agit pas de faire jouer des hommes contre des femmes mais justement d’arrêter une bonne fois pour toutes cette comparaison humiliante ramenant toujours aux faits que « oui mais les femmes. ne peuvent pas courir/lancer/sauter/jouer aussi bien que les hommes ». Les performances des hommes ne sont pas la norme, les performances des femmes sont celles des femmes. C’est bien ce qu’elles font POINT BARRE. Ce biais de genre dans le sport est insupportable et nous devons en sortir. Cela passe par ce changement dans notre langage.C’est insultant et c’est humiliant.
Je ne suis pas une IRON GIRL, mais je suis une IRON WOMAN.
Aujourd’hui, je revendique ce terme. J’ai 29 ans, je suis indépendante, responsable, je paie mes factures, j’ai mon entreprise. Je ne suis pas une fille, je suis une femme. MAIS, je peux comprendre que des femmes s’en fichent TOTALEMENT d’être appelée des filles ou ne s’intéressent même pas au sujet et je le respecte. Néanmoins, j’espère que cet article vous donnera quelques pistes de réflexion et je continuerai à me corriger, et à corriger mon entourage.
Qu’en pensez-vous ?
@ très vite
9 réflexions sur “Sport: Arrêtez d’appeler les femmes « des filles » !”
Il n’est pas complètement vrai qu’on ne lira jamais « garçon » pour parler d’un homme même si, effectivement, c’est plus rare que pour les femmes.
Luis Fernandez qui, certes n’est pas une référence concernant le bon usage de la langue française, parle toujours de garçons.
« (…)Il avait cette carrure. Il était aimé, apprécié. Un garçon qui respectait les consignes, ses partenaires. Il avait une bonne relation avec ses coéquipiers qui l’aimaient beaucoup.(…) »
https://www.francefootball.fr/news/Luis-fernandez-les-joueurs-du-psg-vont-aimer-mauricio-pochettino/1209315
« (…)Les garçons ont joué plus sur le côté individuel, mais il y a des moments où il faut lâcher le ballon plus vite, pour que tout le monde puisse participer aussi.(…) »
https://cannes.maville.com/actu/actudet_-coupe-du-monde-2018.-luis-fernandez-je-suis-enormement-decu_54135-3470205_actu.Htm
Alors les réflexions « oui mais on appelle parfois aussi des hommes les garçons » sont totalement à côté de la plaque du sujet de l’article.
Les hommes ne vivent pas dans une société matriarcale, l’emploi de ce terme, notamment par un autre homme, représente plus de la fraternité que du dénigrement. C’est même du vocabulaire digne de « boys club » si on veut pousser l’analyse de ton partage.
Je te conseille de relire mon article au lieu de chercher une justification à l’emploi du terme fille car là, c’est dommage de se limiter à ça.
Merci pour cet article qui donne des pistes intéressantes de réflexion. J’y ai justement pensé il y a quelques jours car j’ai moi-même tendance à dire ou penser que « je suis une fille » plutôt que « je suis une femme ». Et je n’ai pas d’avis très tranché sur la question pour l’instant, je me renseigne. Il est vrai que dans le sport, c’est un phénomène plus marquant j’ai l’impression.
Ça fait quelques temps déjà que j’essaie de me reprendre quand j’utilise le terme fille. Et dire femme plutôt que fille sonne tellement bizarre parfois que ça nous montre à quel point c’est intériorisé !
Mais je suis tout à fait de ton avis.
Moi ça ne m’irrite pas du tout. Ce qui m’irrite c’est que j’ai l’impression que ces derniers mois TOUT est remis en question. Que ce soit en terme de féminité qu’en terme de consentement. Ou même ce besoin que tout soit mixte, qu’il n’y ait plus de rayon « garçon ou fille ».
Des fois je trouve qu’on exagère. Je comprends la démarche, mais parfois on veut tellement montrer notre différence et que nous sommes identiques à la fois.
Mais ce n’est pas le débat.
Dans mon esprit « fille » ne veut pas forcément dire « enfant ». Donc moi ça ne me dérange pas du tout. Tout comme je peux employer le mot « garçon » pour parler d’hommes.
Par contre ce que me dérange, c’est d’utiliser le terme « fille » pour qualifier un défaut « tu cours comme une fille », « arrêter de pleurer comme une fille ». Là je ne suis pas d’accord et je partage ton avis.
Je crois Audrey que tu généralises un peu trop dans ton commentaire.
Heureusement que tout est remis en question, çå veut dire que la société bouge enfin.
Certes, cela peut te mettre mal à l’aise mais personnellement, j’en suis très contente.
Coucou,
L’inégalité homme/femme dans le monde du sport est un vrai problème. J’avoue ne pas comprendre par contre le problème autour de l’usage du vocabulaire et du débat Fille /femme, gars/mec/homme.
je ne vois rien de péjoratif ni de rabaissant à utiliser le mot « fille » pour des encouragements, au cours d’une conversation,
« oui je suis une fille, une femme, une meuf et je suis fière de l’être ».
Le dernier paragraphe est criant du vrai problème quand « la fille » devient un qualificatif de faiblesse et est associé à des valeurs dépréciatives. Ce n’est pas le mot, mais les valeurs et les normes associées qui posent problème. Effacer un mot c’est se soustraire à un système de valeurs qui a mon sens ne mène à rien.
Belle journée à toutes et tous
Coucou Marie,
Il ne s’agit pas d’effacer un mot, mais juste d’utiliser le terme approprié en sachant juste toutes les valeurs dépréciatrives qu’il peut avoir dans un certain cadre dont le sport (qui est mon approche).
Or même inconsciemment, nous avons interiorisé cette dépréciation et nous arrivons au point où « ce n’est pas grave »
Après voilà, tu as d’autres pistes pour approfondir ce débat dans mon article si tu le souhaites 😉
Des bises
Merci pour cette réflexion très intéressante ! Le nombre de mots et expressions dévalorisantes pour les femmes, qui ne sont pourtant pas exprimés méchamment ! Seulement le reflet de notre société, et c’est en conscientisant les choses qu’on va les faire bouger ! Go women !