Hi,
J’espère que vous allez bien? Aujourd’hui, j’avais envie de publier un article un peu plus personnel. Comme vous le savez (ou pas hihi), je me suis blessée le 12 mars dernier durant le marathon de Barcelone (je l’explique ici >>). Depuis, ma vie s’est un peu compliquée. En effet, je souffre d’une fracture du fatigue au niveau du col du fémur.
Une fracture de fatigue est un os ni cassé ni sain, il est en fait un peu fissuré. Mon médecin aime la décrire ainsi: l’os est comme un toit, la fracture est un toit qui s’est effondré, une fracture de fatigue est un toit abimé, des tuiles se sont envolées, des poutres sont fendues. Il peut s’effondrer si on ne le répare pas rapidement 😉 Vous êtes prévenus… enfin surtout moi.
C’est aussi douloureux qu’une fracture ordinaire, mais plus frustrant car on ne peut rien y faire concrètement hormis du repos. Et le repos doit passer par une décharge complète du membre abimé. Le col du fémur est de ce fait encore plus difficile à soigner car il se trouve au niveau de la hanche. difficile à décharger car cela implique le port de BEQUILLES H24.
Je vous en parle car une fracture de fatigue affecte plus de sportifs amateurs que l’on se l’imagine, d’autant plus la femme. Contrairement à beaucoup de sites spécialisés, le sur-entrainement n’est pas la cause unique et principale de cette blessure. Nous avons tous le droit de faire des erreurs dans nos entrainements, dans notre rythme mais il est essentiel de ne pas culpabiliser lorsque l’on se blesse en se demandant « ce que nous avons pu faire de mal ». Il faudra plutôt s’inviter à faire différemment lorsque l’on pourra reprendre.
Personnellement, j’ai eu la chance d’être rapidement prise en charge dès le lendemain de mon marathon. La fracture de fatigue d’ordinaire s’installe doucement, on la sent arriver, un peu comme une tendinite mais en plus douloureux. Dans mon cas, elle est arrivée d’un coup.
Aujourd’hui, je n’ai pas envie finalement de parler de la prise en charge, du pourquoi et du comment, j’en parle mieux dans cet article >>> mais plutôt de vous parler des semaines délicates que j’affronte doucement mais sûrement, malgré les réflexions d’autres blogueuses sur les réseaux, malgré les mauvaises nouvelles professionnelles, malgré les petits coups de mou. Une blessure nous renforce, je crois que la fracture de fatigue le sera d’autant plus car, du fait des béquilles, elle a aussi affecté ma vie sociale et professionnelle.
Au départ 6 semaines de béquilles… Dès le lendemain de la course, je ne pouvais plus poser le pied sans hurler de douleurs, j’ai dû adopter les béquilles. Il faut savoir que je ne me suis jamais rien cassée de ma vie, ni rien immobilisée d’ailleurs : pas de fracture, pas d’entorse. Bref, je faisais partie de ces collégiens qui empruntaient les béquilles à ses amis pour s’amuser 2 min dans la cours de récréation.
J’ai moins ri quand je me suis retrouvée flanquer d’une paire car cela signifie une énorme perte d’autonomie. Être blessé est difficile à accepter lorsque l’on est très sportif, mais d’autant plus lorsque même son quotidien est bouleversé.
Se déplacer en béquilles est très fatigant, très dangereux aussi surtout au début, quand on maîtrise mal la bête… et les escaliers. Frustrant aussi car on ne peut plus faire grand chose : on ne peut pas faire les courses, les tâches ménagères. Heureusement, 80% de mon travail se produit derrière mon écran mais…20% c’est aussi du sport, des déplacements. Dommage, interdiction de conduire… et quand bien même, lorsque j’ai à nouveau eu le droit, j’avais toujours mes béquilles.
Imaginez à Paris… je me gare dans un parking: il y a rarement des ascenseurs, le parking n’est pas forcément juste à côté de mon rendez-vous >>> GALÈRE sans nom. Mon pauvre petit ami a dû pas mal jouer au taxi et j’ai également dû abuser d’UBER pour rencontrer des clients heureusement compréhensifs mais qui me regardaient avec tellement de peine et de…pitié dans les yeux.
De la pitié, j’en ai rencontré aussi lorsque j’ai tout de même fait des déplacements, même Rio, en prenant l’avion. Impossible de porter un sac, ni de promener ma valise, il me fallait l’assistance… donc je me suis retrouvée en fauteuil roulant. Si, honnêtement, toutes les équipes avec qui j’ai été ont été adorables… il y a eu plusieurs incidents. Au retour de Rio, une hôtesse nous a expliqué que non il n’y avait pas d’assistance à l’arrivée, je me suis retrouvée à « béquiller » dans tout Roissy pour qu’en fait on nous explique que l’Assistance avait pris du retard et que l’hôtesse nous avait mal informés. Sérieusement.
Après ce n’est pas grand chose, mais aussi le fait que « parce que j’étais dans un fauteuil », on ne m’adresse plus la parole, on parle de moi à la 3ième personne ou en s’adressant à Matthieu. Ahem. Ce n’est pas parce que je suis en fauteuil que je ne suis plus une personne douée de la parole hin.
Même en béquilles, il a fallu que je me déplace et ce qui m’a le plus surprise, par exemple sur la voie publique, c’est à quel point les gens ne faisaient PAS attention, ne se poussaient pas, tapaient dans ma béquille posée. Le pire étant une famille à Rio, une famille française. Forcément, vu que je passais « handicapée », je rentrais en premier dans les attractions et les téléphériques et pouvais avoir une « bonne place ». Ce qui n’a pas plu à une mère de famille… Française, qui a fait exprès de me bousculer de se coller à moi pour que je me pousse..en béquilles afin qu’elle obtienne ma place et la vue, accessoirement. Matthieu a dû s’énerver pour qu’elle arrête son manège. Alors déjà être dans un téléphérique en béquilles, je ne vous raconte pas l’aventure, mais avec une nana qui te pousse, la joie. Mais c’est fatigant lorsque ces situations n’arrêtent pas de se répéter.
Sans parler en général de l’accessibilité des lieux à Paris, une véritable catastrophe… Donc entre les gens qui sont de véritables CONNARD et l’enchainement de marches, de lieux inaccessibles, de distances bien trop fatigantes à parcourir en béquilles… on a bien fait de vite rester chez soi. Sauf que chez soi, on voit aussi sur les réseaux sociaux, les insultes passer « bien fait pour elle ». Comment peut-on souhaiter ça à quelqu’un ? Je ne souhaite à personne, passionnée de sport ou pas, de se retrouver en béquilles car en France, fauteuil ou en handicap, rien n’est fait pour vous aider. C’est dommage que j’ai été obligée de me retrouver dans cette situation pour en prendre pleinement conscience. Forcément, je le savais, dès que l’on visite un pays anglo-saxon, on s’aperçoit que la France a juste 20 ans de retard en la matière, je m’en doutais mais pas à ce point.
Je ne généraliste pas, il y a aussi des personnes bien attentionnées, qui font attention, qui vous offrent leur aide. Lorsque j’ai pu retourner à la piscine, 80% du temps quand j’entrais dans une ligne d’eau, les nageurs me demandaient ce que j’avais et ce à quoi ils devaient faire attention si jamais ils me doublaient. Tu as aussi des nageurs qui ne sont pas contents de se faire doubler par quelqu’un en béquilles hors de l’eau ET qui te donnent des coups de pied sous l’eau. Anecdote mise à part, je n’allais pas à la piscine en heure de pointe, j’y allais en heure creuse justement pour rencontrer le moins de nageurs possibles dans ma ligne ET ne gêner personne. Je donnais toujours un coup de fil pour prévenir le maître nageur éhé.
Bref… Cela a été une longue période pour moi mais qui m’a changée car, j’ai fait autre chose, j’ai pris du temps pour penser, re penser et même méditer. J’ai fait le tri dans mes relations pro et perso. Ah oui car tu as toujours des relations pro qui ne comprennent pas que tu ne puisses pas sauter dans un train pour un rdv à Lille. Prendre le train a été impossible jusqu’à récemment lol. On ne s’imagine pas à quel point les « béquilles sont handicapantes » . Heureusement, il y a des personnes bien plus compréhensives et patientes.
Je peux enfin mettre de côté les béquilles, j’ai encore des examens à faire pour savoir si mon toit..mon os va mieux lol mais, je prends un plaisir fou à retrouver mon autonomie, même si ce n’est pas encore 100% gagné. C’est une aventure ces béquilles, je ne les ai jamais détestées, je n’ai jamais craqué, j’ai juste été en colère, beaucoup de colère que j’espère pouvoir user à bon escient maintenant que cet épisode avance dans le bon sens.
Alors ce post est un peu long, mais j’avais envie de vous raconter cette période que j’ai peu laissé transparaître sur les réseaux sociaux par fierté : pas de photos en béquilles, pas d’image de moi en béquilles car c’était difficile d’accepter cette période, d’accepter ce que cela impliquait au quotidien. Au final, c’était dur voilà tout. Heureusement que j’ai été bien entourée personnellement comme professionnellement. Si je souhaitais publier aussi ce post, c’est pour permettre de prendre plus conscience des personnes souffrant de handicaps, que ça soit provisoire comme moi, ou …plus permanent. Un geste, une porte tenue, une place dans le metro, dans le bus, une parole dans un lieu public, ça ne coûte rien, il suffit juste d’avoir plus conscience des inconnus avec qui nous partageons cet espace public 🙂
Des bises et @ très vite
74 réflexions sur “Fracture de Fatigue: 8 semaines en Béquilles”
Je découvre ce matin sur Insta tes mésaventures de ces dernières semaines… J’imagine combien cela a dû être difficile au quotidien. J’en reviens pas de la méchanceté des gens mais ne suis pas surprise malheureusement… Je suis contente de voir que tu vas mieux, cette dure période va te rendre plus forte
Notre pays est en retard pour beaucoup e choses dont le handicap… Et l’esprit des gens ! Bref heureusement d’autres sont plus ouverts et bienveillants
Je t’adresse tout mon soutien et j’espère que tu seras de nouveau sur pied rapidement!
La fracture de fatigue j’ai également connu ça l’année dernière, mais mon médecin a un peu tardé à la diagnostiquer, ne comprenant pas comment du jour au lendemain, je ne pouvais plus poser le pied par terre, sans avoir subi de choc violent.
Comme toi, je me suis retrouvée beaucoup moins autonome, à devoir galérer pour aller d’un point A à un point B. Vivant à Berlin, j’ai eu beaucoup de chance concernant les transports en commun (très accessibles : ascenseurs, escalators, etc.) mais j’ai dû composer avec la météo nettement moins clémente (je ne recommande vraiment pas les béquilles sous la neige…).
J’ai pu aussi comparer les aéroports en terme d’accessibilité et d’assistance: Amsterdam super, Orly beaucoup moins (pas d’assistance et ils ont changé trois fois la porte d’embarquement).
Ca n’a pas été toujours très facile mais prendre sur moi et le repos forcé m’ont permis de repartir de plus belle 😉
C’est tout ce que je te souhaite pour les semaines à venir!
Salut Anne,
Je trouve vraiment ton expérience intéressante. Je n’ai jamais eu de béquille – enfin, une seule fois à cause d’une entorse, mais genre 4 jours, et c’était déjà pénible, mais ma soeur en a eu pendant 5 semaines, lors d’une mauvaise chute en grimpant, et c’était long pour elle. On habite dans un petit village, donc je pense que c’est encore plus handicapant que si tu habites en ville – avec mes parents on a toujours essayé de s’arranger pour venir la chercher quand elle finissant le lycée, pour qu’elle »béquille » le moins possible, et c’était un sacré travail d’organisation! Je trouve par contre »dommage » que tu n’aies pas eu la fierté de te montrer en béquilles sur les réseaux – je conçois que ce soit difficile, mais je pense que ça aurait pu montrer une autre partie des sportifs: c’est pas tous des sur-hommes, et des béquilles ne te »diminue » pas en tant que grande sportive…Je pense que ça aurait pu ouvrir une disucssion intéressante !
Ce que je voulais te dire surtout, c’est que ça invite surtout à la réfléxion sur ces personnes qui n’ont pas des béquilles pour quelques semaines, mais toute une vie… Je vis en Suisse, et je pense qu’on est un mieux dotés en infrastructures qu’en France (les gares doivent être obligatoirement conformes à des standards, les trains ont des entrées abbaissées, etc), mais cela n’empêche que pour des personnes en fauteuil roulant, qui sont tout de même sportives, ça doit être vraiment parfois difficile ! Ce serait peut-être sympa de retrouver une interview d’un sportif »roulant » une fois sur ton blog, aussi pour en discuter de ce sujet là !
Bref, en tous cas, beaucoup de courage ! You got this !
Ahh je me suis justement cassé le pieds au ici au Brésil pendant mon tour du monde. Pour l instant tout le monde est friendly avec moi mais les bequilles c’est une galère sans nom… vive les auberge avec des marches partout.. (oiui moi je suis pas invité au club med de rio). Je trouve ça dommage que tu ai pas mis de photo de toi en bequilles… tu le cachais plus ou moins que tu avais des bequilles. Comment tu veux que les gens considèrent mieux les handicapés si toi même tu caches tes bequilles. C’est un non sens je trouve..
Je crois que j’ai le droit d’appréhender aussi mon handicap en public comme je le souhaitais, non ? ça reste aussi ma vie privée